La douleur, c’est par exemple quand on se prend les doigts dans une porte. C’est quand le réel se montre indifférent à notre sensibilité, qu’il n’en fait qu’à sa tête, que nous butons sur lui, que nous nous cognons à son intransigeance et que ça nous fait mal.
Souvent, la douleur précède la souffrance mais elle n’en est pas la cause. Ce n’est pas la douleur qui nous fait souffrir, ce sont les questions qu’elle suscite : pourquoi cela nous arrive-t-il? Quel sens cela a-t-il? Nous souffrons du manque de sens, au sens concret du terme : que devons-nous faire pour que cela aille mieux, quelle direction devons-nous prendre pour que le sort cesse de s’acharner sur nous?
L’erreur que nous commettons souvent est de nous dire que l’univers est insensible à nos déboires, qu’il suit des règles, ses règles comme par exemple celle de la gravité, et qu’il n’a rien à faire de nous.
En vérité, c’est nous qui sommes indifférents à lui. Car les questions qu’il nous pose à travers les douleurs qu’il nous inflige, qui de nous s’en soucie vraiment? Qui trace sa route en ayant médité les questions qu’elles suscitent? Ne sommes-nous pas enclins le plus souvent à les esquiver?
Certes, il n’y a rien à faire contre la pesanteur et les douleurs consécutives à une chute sont ce qu’elles sont ; il n’y a rien à en dire de plus. Mais les questions que ces douleurs suscitent réclament des réponses. La souffrance naît de ce qu’il n’y est point répondu, qu’elles restent, comme on dit, en souffrance.
C’est comme s’il manquait des pièces à un puzzle. La douleur, c’est une pièce qu’on essaie de faire entrer là où elle n’est pas à sa place ; la souffrance, c’est l’absence de pièces, une lacune dans le puzzle qui nous hante, une absence de sens et de solution, l’absence d’un savoir venant combler le vide, le sentiment d’urgence qu’on ressent à le combler mais dans un tel dénuement que le lâche en nous s’y refuse.
Assumer la souffrance, c’est être une question vivante, tel l’oiseau qui sent ses ailes mais ne sait pas encore voler. Et c’est faire de sa propre existence une réponse courageuse et apaisante.
(Texte librement inspiré de Douleur et souffrance, dans l’horizon de la vérité – PHILOSOPHIE-EN-LIGNE.COM, de Jean-Pierre Lalloz)
En guise d’illustration, un extrait de La clef des songes, du célèbre mathématicien Grothendieck :
