Un jeu pour développer l’esprit de corps et surmonter les crises
NOOSSOON est un jeu de rôle, sur table et à distance 1, conçu pour faire l’apprentissage d’un autre rapport au monde. Disons, pour faire simple, qu’il s’agit de passer d’une attitude cartésienne qui nous incline à «nous rendre comme maîtres et possesseurs de la nature» 2 à une attitude proche de celle de Simone Weil lorsqu’elle écrit :
«Que l’Univers entier soit pour moi, par rapport à mon corps, ce qu’est le bâton d’un aveugle par rapport à sa main. Il n’a plus réellement sa sensibilité dans sa main, mais au bout du bâton. Il y faut un apprentissage.»
Il s’agit au fond de cesser de considérer le monde comme une chose qui nous est extérieure ; il s’agit de concevoir le monde comme le pendant de l’esprit, son complémentaire, ce sur quoi l’esprit prend appui pour s’échafauder.
(Si tu ne comprends pas ce que tu viens de lire, clique ici.)
Je t’invite à écouter ce complément audio. Et si à l’issue, tu n’as toujours pas compris ou si tu es en désaccord, je t’encourage vivement à poursuivre la lecture. Tu comprendras bientôt pourquoi.
Contenu audio : “Alors que René Descartes nous invite à prendre l’objet nature pour sujet d’expérience afin d’en tirer « des connaissances qui soient fortes utiles à la vie », Simone Weil insiste, elle, sur l’importance de notre identification au tout par extension de notre corps à l’univers tout entier. Quand donc Descartes nous place en face de la nature, exactement comme l’est le scientifique vis-à-vis de son sujet d’étude, Weil, au contraire, nous invite à nous unir à elle, à nous en revêtir comme d’une seconde peau.
Chez Descartes, le dualisme distingue et oppose la chose pensante à la chose étendue, le sujet connaissant à l’objet à connaître, l’esprit à la matière. Chez Weil, si dualisme il y a, il est complémentaire : l’esprit prend appui sur la matière pour s’élargir, pour s’élever.
L’attitude de René Descartes est celle de la majorité de nos contemporains. Elle a permis de faire d’immenses progrès dans de nombreux domaines, et notamment en médecine. Mais elle a aussi conduit, en nous enjoignant « à nous rendre comme maîtres et possesseurs de la nature », à considérer la nature comme un habitat qui nous est extérieur, qu’on peut certes embellir mais qu’on peut aussi démolir. Alors que chez Simone Weil, il ne s’agit pas d’habiter l’univers mais d’être habité par lui.
Mais alors se pose une question : si nous sommes habités par l’univers, si rien n’est extérieur, à quoi sommes-nous sensibles ? Eh bien, sans doute au chemin qui reste à accomplir. Un chemin de vérité qui, pour être parcouru, nécessite un « apprentissage » selon Simone Weil.”
Nous ne sommes plus très loin d’une conversion de notre regard à cette nouvelle façon d’appréhender l’univers. En 1943 déjà, Antoine de Saint Exupéry notait :

« Voyez-vous, amis d’Amérique, il me semble que quelque chose de neuf est en formation sur notre planète. Les progrès matériels des temps modernes ont certes reliés les hommes par une sorte de véritable système nerveux. Les liaisons sont innombrables. Les communications sont instantanées. Nous sommes matériellement unis comme les cellules d’un même corps. Mais ce corps n’a point encore d’âme. Cet organisme n’a pas encore conscience de soi. La main ne se sait pas solidaire de l’œil. Et cependant c’est cette conscience d’une unité future qui tourmentait confusément ce jeune pilote de vingt ans, qui se préparait à travers lui…»
Saint Exupéry, en poète et depuis le ciel, avait pressenti la formation d’une conscience planétaire. Il en avait surtout pressenti l’impérieuse nécessité, car il redoutait que les innombrables liaisons, loin de nous délivrer, ne nous ligotent davantage, nous réduisant à l’insignifiance et à l’impuissance dans un monde interconnecté, où les rencontres sont innombrables certes, et instantanées, mais superficielles et toujours susceptibles d’être rompues sans préavis et sans égard.
Il est vraisemblable que l’élection de personnages hauts en couleur, volontaristes et autoritaires 3 dans des pays réputés démocratiques, manifeste le désir des citoyens de retrouver leur place dans le monde, de renouer avec la puissance d’agir qu’ils estiment avoir perdue depuis la mondialisation.
Il est malheureusement vraisemblable aussi que le remède présumé ne fasse qu’empirer la situation car on voit mal comment, dans un monde globalisé, et qui sauf catastrophe planétaire le restera, des peuples entiers pourraient tirer leur épingle du jeu sans nuire à d’autres peuples. Sauf évidemment à concevoir une coopération mondiale, une «entente des entendements», une conscience planétaire, mais plus encore : sauf à la réaliser.
Au-delà du jeu, l’enjeu
Car «si nous continuons, prévient l’anthropologue Gregory Bateson, à opérer selon le dualisme cartésien : esprit contre matière, nous continuerons sans doute à percevoir le monde sous la forme d’autres dualismes encore : Dieu contre homme, élite contre peuple, race élue contre les autres, nation contre nation et, pour finir, homme contre environnement. Il est douteux qu’une espèce puisse survivre, qui possède à la fois une technologie avancée et cette étrange façon de concevoir le monde.»
Viktor Frankl, rescapé de la Shoah, le disait de façon plus brutale :
«Depuis Auschwitz, nous savons ce dont l’homme est capable.
Et depuis Hiroshima, nous connaissons l’enjeu.»
L’enjeu est donc de taille, mais le pari risqué, car on n’accouche pas d’une conscience planétaire sans renoncer à l’attitude (supérieure et hautaine) qui a contribué à l’essor des sciences, à la prospérité et au confort de notre civilisation. C’est pourquoi il importe de souligner les avantages que nous pourrions tirer d’une conscience planétaire, mais surtout de les constater, d’en faire l’expérience manifeste. «L’entente des entendements» n’adviendra en effet que si les bénéfices attendus montrent le bout de leur nez de façon tangible à mesure que nous progressons vers elle, de telle sorte que nous soyons encouragés à poursuivre nos efforts dans cette direction.
C’est à cette fin que j’ai imaginé le jeu de rôle NOOSSOON. Il consiste à faire émerger une conscience collective, un esprit de corps, au sein d’un collectif d’une petite dizaine de personnes. Une conscience collective à ce niveau suffit, car il est possible d’organiser une société entière sur le fondement de petits groupes s’articulant les uns aux autres 4 sur le principe de la subsidiarité 5.
Au fond il s’agit, à travers ce jeu, de reprendre le travail initié par les philosophes des Lumières, et notamment celui de Spinoza qui caressait déjà l’idée que les hommes puissent parvenir à «s’accorder tous en toutes choses, de telle sorte que les esprits et les corps de tous composent comme un seul esprit et comme un seul corps» 6, bref, à former comme un tout indivisible, une sorte de superorganisme.
Certes, il est probablement impossible d’obtenir un tel esprit de corps à l’échelle de l’humanité 7, mais y renoncer serait triplement fautif :
– A l’égard de l’humanité d’abord, et cela d’autant plus que le péril a grandi depuis le siècle des Lumières, en témoignent les crises écologique, énergétique et civilisationnelle. Sans doute fallait-il que le péril croisse et que l’humanité soit mise au pied de son mur existentiel pour qu’on convienne enfin de la nécessité et de l’urgence de nous éveiller à une «conscience cosmique» 8.
– A l’égard de soi aussi puisque tendre à l’unité, même si nous n’y parviendrons sans doute jamais à l’échelle de l’humanité, et même si nous n’y parvenons qu’imparfaitement à l’échelle de notre communauté, y tendre, disais-je, suffit à éprouver une satisfaction, une tranquillité d’âme 9, voire en certaines occasions une «béatitude», selon les propres mots de Spinoza.
– A l’égard de l’esprit des Lumières enfin, puisque nous savons désormais, grâce au dialogue qu’entretiennent la science et la philosophie, que «nous sommes le mouvement même par lequel [le] monde s’auto-objective» 10. Ce qui permet d’appréhender sous un jour nouveau la «science intuitive» de Spinoza 11, ce plus haut degré de connaissance permettant de s’unir à toute chose : celle-ci n’est pas l’intuition d’une vérité qui nous serait extérieure, inscrite depuis la nuit des temps dans le ciel des idées, mais une sorte de mouvement participatif et créatif au mouvement même du monde, et cela au moyen de sauts dans l’inconnu auxquels nous encourage le monde quand celui-ci nous parle. Or le monde nous parle dans l’exacte mesure où nous le faisons parler, vibrer, à l’aide d’images analogiques 12. C’est pourquoi nous encourageons l’usage d’une parole métaphorique, sinon poétique. A travers elle, nous accédons à la «science intuitive» qui permet de nous articuler les uns aux autres comme les parties d’un même corps. Tu comprendras mieux pourquoi et comment en lisant la présentation du jeu qui suit.
Important! Même si tu es en profond désaccord avec ce que je viens d’exposer, je t’invite néanmoins à poursuivre la lecture et à rejoindre l’aventure. Car c’est depuis les désaccords que peut émerger l’esprit de corps que nous convoitons. C’est d’ailleurs pourquoi, comme tu vas le voir, les joueurs jouent tous le rôle d’un dissident au travers duquel ils expriment leurs désaccords. Tu es donc le bienvenu, que tu sois pour l’heure enthousiaste ou réfractaire à l’égard de NOOSSOON.
Comment ça marche?
NOOSSOON est un jeu de rôle dans lequel les participants incarnent des personnages fictifs et interagissent entre eux dans un cadre imaginaire, dont voici les éléments principaux :
- Personnages : Ce sont tous des dissidents. Ils résistent à la pente naturelle qui nous conduit à penser ce que les autres ont pensé avant nous. Ils résistent à la pensée commune, non par esprit de contradiction, mais parce qu’ils sont attentifs aux messages d’alerte que leur sensibilité leur adresse quand, de leur point de vue, la pensée commune semble se fourvoyer. Sensibles à la vérité, ils répondent inlassablement par un ‘non’ à tous ceux qui essaient de leur soutirer un ‘oui’ qui ferait d’eux des lâches, des irresponsables, des collaborateurs au mensonge ambiant. En ce sens, ce sont des personnages vrais 13, des personnages qui ont une âme, qui sont habités (comme on le dit d’une vraie maison, d’une maison de famille, contrairement à un pavillon moderne et fonctionnel venant d’être livré).
Tous les personnages du jeu sont donc épris de vérité mais ils ne sauraient dire pourquoi elle est la vérité, comme on ne saurait dire pourquoi la Terre vue du ciel est belle. C’est une vérité qui nous devance et devant laquelle on s’incline, un point c’est tout!
Quand on dit que «toutes les vérités ne sont pas bonnes à dire», on confond savoir et vérité. Il faudrait dire : «toutes les choses sues ne sont pas bonnes à dire». La vérité, contrairement au savoir, est de l’ordre du sensible 14. Elle s’éprouve, elle est un évènement, un moment d’étonnement 15 qu’après coup la réflexion investira et cherchera à expliquer. Mais ce dont la raison accouchera, ce ne sera pas de la vérité mais d’une explication, d’un savoir, éventuellement d’un nouveau concept.
Ainsi de la chenille qui éprouve la vérité et tend vers elle :

«Tu les as vues, les chenilles sans yeux s’acheminer vers la lumière ou faire l’ascension de l’arbre. Et toi qui les observes en homme, tu te formules ce vers quoi elles tendent. Tu conclus: «Lumière» ou «Sommet». Mais elles l’ignorent.»
A. de Saint Exupéry, Citadelle.
La vérité n’est pas de l’ordre des concepts, ni même des liens qui relient les concepts entre eux. Elle est la juste articulation de soi au monde en devenir, et à ce titre participation au mouvement même du monde en gestation. Ainsi de la vérité qui noue la chenille au sommet de l’arbre et prépare l’envol du papillon qu’elle aspire confusément à être. 16
Comme les chenilles, les personnages ne conçoivent point ce qu’ils cherchent. Ils peuvent cependant s’orienter car ils disposent d’une boussole pour peu qu’ils apprennent à s’en servir. Cette boussole, c’est leur sensibilité au vrai qu’ils peuvent exercer à travers l’écriture analogique. C’est qu’en effet cette dernière permet de nouer des relations résonantes (et non pas seulement raisonnantes), des relations qui sonnent justes à nos oreilles entre des concepts qui ordinairement n’entretiennent pas de rapports entre eux. A travers la parole analogique, les personnages peuvent composer une image dont la beauté, la justesse leur sera manifeste et les encouragera à persévérer dans la quête du monde-en-devenir qu’ils portent en eux.
(Pour une meilleure compréhension de l’analogique, je t’invite à cliquer ici et à lire cet encadré.)
« Il n’existe pas un seul concept qui n’ait son opposé et ne se définisse par lui. Haut et bas, pointu et creux, jour et nuit, constituent des couples, dont aucun membre ne peut être pensé séparément: ce sont des différences et chacune est toujours sous-entendue dans l’autre, l’univers n’étant en somme qu’un miroir où toute réalité prend appui sur son inverse exact, c’est-à-dire son image reflétée.
Dans les couples Haut-Bas et Pointu-Creux, tout le monde apparentera le Haut avec le Pointu et le Creux avec le Bas. La parenté est saisie en raccourci, avant son explication, si tant est que celle-ci, logiquement parlant, existe, et qu’on puisse dire en quoi, par exemple, ce qui est creux se rapporte à ce qui est bas plutôt qu’à ce qui est haut. Si nous rangeons les deux couples en colonnes

nous pouvons dire que les termes sont reliés horizontalement par un rapport logique et verticalement dans un rapport analogique. La pensée analogique, du point de vue du raisonnement, est toujours fausse : elle consiste, lorsque deux choses ont un caractère commun, à supposer immédiatement qu’elles en ont d’autres ou qu’elles sont carrément identiques. C’est la pensée hâtive par excellence, qui est cependant le fond de la pensée proprement dite puisque l’esprit ne peut travailler que sur des ressemblances, donc des analogies : toute idée, et même tout élément de langage, est un concept général rassemblant les ressemblants : « maison, moi, chien » désignent toutes les maisons, tous les moi, tous les chiens, etc.
Mais ce qui se trouve à la base de la logique se retrouve plus loin qu’elle : si l’analogie forme l’essentiel de la pensée sauvage et de la pensée enfantine, et marque autant la genèse de l’individu que celle de l’espèce, elle resurgit lorsque l’explication raisonnée serait longue, ou impossible, et elle sert de recours tantôt comme raccourci, tantôt en vertu de son pouvoir de choc, qu’elle doit à ce raccourcissement même (d’où l’expression « raccourci saisissant »). Le sauvage et l’enfant peuvent penser que la lune est le soleil modifié, la poésie peut dire que « la lune est le soleil de la nuit » : ce qu’on prenait pour raison devient comparaison. L’analogie règne donc là où le logique ne règne pas encore, puis règne à nouveau lorsque le logique ne peut plus régner – dans les domaines de l’art et de la mystique.
Ici c’est naturellement cette dernière fonction qui nous intéresse, et plus on aura de couples logiquement opposés mais analogiquement superposés, mieux la richesse signifiante des termes apparaîtra, à la faveur de celle des autres. Les concepts apparemment les plus étrangers entreront ainsi dans un rapport de résonance ou d’harmonie, comme un trait devient progressivement un dessin ou comme les notes d’un accord se justifient entre elles. » Jérôme Deshusses, Délivrez Prométhée.
Alors certes, les analogies ne sont pas rigoureuses. L’analogique, contrairement au logique, ne permet pas de systématiser, d’universaliser la pensée, de dire si telle proposition est vraie ou fausse quel que soit le contexte, c’est-à-dire de façon absolue. Mais la science la plus moderne ne nous incite-t-elle pas à renoncer à cette quête de l’absolu? 17 La théorie quantique ne manie-t-elle pas des probabilités? N’a-t-elle pas renoncé au déterminisme strict? Son déterminisme ne réside-t-il pas désormais dans une “onde” (de probabilité, l’onde de Schrödinger), c’est-à-dire dans l’articulation de contextes expérimentaux mutuellement exclusifs les uns des autres, comme l’ont mathématiquement démontré les époux Destouches? 18
Or c’est justement ce que réalise l’analogique : il articule des contextes apparemment contradictoires 19, en les faisant retentir les uns sur les autres. C’est “vibratoire” pourrait-on dire, comme l’est du reste la représentation que l’on se fait d’une onde. Les correspondances ainsi établies forment comme un paysage symbolique au sein duquel évoluent les personnages. Ce paysage symbolique, conformé par leurs paroles analogiques, les coordonne sans le savoir. Sans le savoir, c’est-à-dire en vérité. En vérité car ils agissent relativement à un paysage symbolique qui leur parle, qui les touche, auquel ils sont sensibles mais sans savoir pourquoi, comme la chenille ne sait pas pourquoi elle monte en haut de l’arbre.

- Univers de Jeu : L’univers de jeu ne se limite pas à une simple représentation visuelle du monde, mais se construit progressivement à travers les paroles des joueurs. Ce monde naît de l’interaction des images analogiques, images dont l’équivocité facilite la composition d’une image commune. Cette image qu’ils ont en partage est la résultante vibratoire des paroles qui interfèrent, se renforcent ou s’annulent, comme interfèrent (constructivement et destructivement) les crêtes et les creux d’ondes qui se rencontrent. Elle est une sorte d’hologramme 20 symbolique à n-dimensions, un paysage impossible à saisir par l’intellect dans toute sa profondeur.
C’est dans ce paysage que les personnages évoluent, chacun n’actualisant et n’observant qu’une partie de l’hologramme, celle qui interfère de façon congruente avec sa grille cognitive du moment.
Bien qu’invisible dans toute sa profondeur, le paysage holographique influence les actions des joueurs et les coordonne. Ils en dévalent les “pentes” (probabilistes) et le colonisent à la façon qu’a l’eau de coloniser un delta pour y trouver repos, ou de l’arbre qui colonise le ciel pour y trouver lumière. 21
Ainsi, les joueurs, sans en avoir conscience, sont immergés dans un univers partagé qui transforme leur façon d’évoluer et d’interagir. Bien qu’autonomes, ils sont probabilistiquement coordonnés par le paysage holographique qu’ils composent à travers leurs paroles.
- Scénario : Les personnages prennent progressivement conscience de la capacité du paysage holographique à les coordonner sans instance de coordination, et cela de façon plus intelligente que ne le ferait le plus intelligent d’entre eux 22. Alors ils se prennent à rêver d’une société décentralisée, sans maîtres, sans autre principe ordonnateur que le paysage qu’ils composent au fil de leurs prises de parole.
Dès lors, ils prennent grand soin de leur œuvre holographique, la retouchant sans cesse, comme des peintres retouchant leurs tableaux afin d’exprimer au mieux ce qui couve, ce qui cherche à naître à travers chacun d’eux. Ils ont le sentiment d’être des artistes dont l’outil est la parole ; une parole performative puisqu’elle crée un monde qui les habite et les coordonne.
Ce monde à n-dimensions leur fait prendre conscience que le monde en 3D qu’ils habitaient jusque-là est si peu chaleureux et tellement dangereux qu’il est essentiel de convertir au jeu les non-joueurs, ceux qui ne jouent pas encore, comme toi qui lis ces mots.
A cette fin, ils échafaudent des stratégies. L’une d’entre elles a fuité : elle consiste à essaimer, à créer de nombreux autres collectifs de jeu, et à les fédérer. Puis, dans un second temps, à introduire le jeu là où les âmes ont déserté, notamment au sein de ces grandes compagnies qui ambitionnent de régenter le monde.
- Meneur de Jeu (MJ) : L’initiateur du groupe est le meneur de jeu. Il assume plusieurs fonctions : il organise les rencontres, anime les parties, veille au respect des règles, au besoin les ajuste, et juge de l’évolution des joueurs et de leur aptitude à devenir à leur tour MJ.
- Règles : Un livret recense les règles du jeu. Il est constamment mis à jour et est remis aux participants avant chaque rencontre plénière de sorte que les interactions se déroulent selon les règles. L’une d’entre elles, fondamentale, est l’utilisation d’une parole riche en analogies, nous avons vu pourquoi. Une autre est que le jeu ne s’arrête jamais vraiment. Même en dehors du cadre explicite du jeu, toute interaction peut être l’opportunité de faire grandir son personnage.
- Interactions : Elles se font à distance, par le biais d’un réseau social et par visioconférence lors des rencontres plénières.
Bénéfices attendus
Pour les individus :
- L’apprentissage d’un rapport au monde plus «responsif», plus «résonnant» 23, grâce auquel peut s’instituer un dialogue sensible et connivent entre l’individu et son environnement.
- La quête d’une vérité personnelle qui inscrit le participant dans un devenir héroïque, le distinguant du sujet quelconque et substituable qu’il est par ailleurs dans la vie.
- Un sentiment d’efficacité personnelle retrouvé et accru en raison de l’attention portée aux paroles de chacun et de l’impact qu’ont ces paroles sur le devenir du groupe.
- Ce sentiment accru d’efficacité permet aux participants de se projeter à nouveau dans l’avenir, ce qui a pour effet d’atténuer l’angoisse qui «résulte de l’effort contrarié pour faire tenir un projet de monde dans les circonstances où ce monde projeté est incertain ou menace de disparaître.» 24
- Enfin, pour ceux qui le souhaitent, la possibilité d’exercer une activité rémunératrice et qui fait sens en devenant à leur tour meneurs de jeu.
Pour la communauté du genre humain :
- L’émergence d’un esprit de corps coordonnant les efforts de chacun est ce dont nous avons besoin pour affronter des problèmes dont la résolution dépasse nos capacités d’entendement et de coordination (crises écologiques, politiques, économiques).
- Les liens de solidarité induits par l’esprit de corps sont plus puissants que ceux institués par la Déclaration universelle des droits de l’Homme.
- Depuis toujours l’évolution a consisté à dépouiller les organismes de leurs particularismes. Ainsi le crabe a des pinces tandis que l’homme dispose avec ses mains d’outils universels lui permettant de fabriquer des pinces. L’apparition du langage s’inscrit dans cette extériorisation des facultés, puisqu’il permet d’extérioriser ce qui jusque-là était de l’ordre de l’invisible : la pensée. Avec le risque que le langage finisse par penser à notre place (ce dont il est capable, en témoignent les “Large Language Models” des intelligences artificielles). C’est pourquoi il est vital de disposer d’espaces au sein desquels la dissidence puisse exprimer une parole qui ne va pas de soi, qui échappe aux automatismes du sens commun. NOOSSOON y contribue, inscrivant ainsi les participants dans un devenir évolutif, à rebours, notons-le en passant, de la démarche involutive consistant à intérioriser des facultés au cœur des organismes via des implants technologiques (le transhumanisme).
- L’esprit de corps induit et éprouvé rend insignifiant l’esprit de corps fantasmé par les nationalistes, et permet par là de résister à la tentation de s’en remettre à des dirigeants autoritaires.
- Enfin, dans la mesure où certains actes de violence visent à réduire le sentiment d’impuissance, augmenter le sentiment d’efficacité personnelle contribue à diminuer le niveau de violence dans la société.
Conditions d’Accès
Pour participer à NOOSSOON, tu dois remplir certaines conditions :
- Âge : Avoir au moins 18 ans.
- Engagement : Tu dois être prêt(e) à participer activement et régulièrement aux sessions de jeu. Tu dois également avoir à l’esprit qu’au-delà d’une période d’essai gratuite, il te sera demandé de contribuer financièrement au déploiement du jeu (dépense qui pourra se révéler être un investissement financier profitable si tu deviens meneur de jeu à ton tour).
- Matériel : Tu dois disposer d’un accès à Internet et d’un ordinateur ou d’un appareil mobile pour participer aux sessions en ligne.
Si tu remplis ces conditions et es curieux(se) d’en savoir plus sur cette aventure unique, faisons connaissance lors d’un entretien à distance. Cela n’engage à rien. Et qui sait?
Renvois : (clique pour déplier)
- Jeu de rôle sur table — Wikipédia ↩︎
- « Mais, sitôt que j’ai eu acquis quelques notions générales touchant la physique, et que, commençant à les éprouver en diverses difficultés particulières, j’ai remarqué jusques où elles peuvent conduire, et combien elles diffèrent des principes dont on s’est servi jusques à présent, j’ai cru que je ne pouvois les tenir cachées sans pécher grandement contre la loi qui nous oblige à procurer autant qu’il est en nous le bien général de tous les hommes : car elles m’ont fait voir qu’il est possible de parvenir à des connaissances qui soient fort utiles à la vie ; et qu’au lieu de cette philosophie spéculative qu’on enseigne dans les écoles, on en peut trouver une pratique, par laquelle, connaissant la force et les actions du feu, de l’eau, de l’air, des astres, des cieux, et de tous les autres corps qui nous environnent, aussi distinctement que nous connaissons les divers métiers de nos artisans, nous les pourrions employer en même façon à tous les usages auxquels ils sont propres, et ainsi nous rendre comme maîtres et possesseurs de la nature. Ce qui n’est pas seulement à désirer pour l’invention d’une infinité d’artifices, qui feraient qu’on jouirait sans aucune peine des fruits de la terre et de toutes les commodités qui s’y trouvent, mais principalement aussi pour la conservation de la santé, laquelle est sans doute le premier bien et le fondement de tous les autres biens de cette vie ; car même l’esprit dépend si fort du tempérament et de la disposition des organes du corps, que, s’il est possible de trouver quelque moyen qui rende communément les hommes plus sages et plus habiles qu’ils n’ont été jusques ici, je crois que c’est dans la médecine qu’on doit le chercher. »René Descartes, Discours de la méthode. ↩︎
- L’élection de Donald Trump s’inscrit dans ce vaste mouvement. Ses slogans, parmi lesquels “Drill, baby, drill!” (Fore, chéri, fore!), sont ceux d’un homme d’affaires. A vrai dire, cela fait bien longtemps que nous obéissons à ce genre d’injonctions, à ces paroles sans âme, sur nos lieux de travail. Cela fait bien longtemps que nous “forons” notre tombe, que nous collaborons au saccage de notre belle planète, jusqu’à la rendre inhabitable au point d’envisager notre exil sur une terre aussi inhospitalière que l’est la planète Mars. ↩︎
- Avec un réseau d’une profondeur de 10, on peut toucher le monde entier :
↩︎
- Principe de subsidiarité selon lequel une autorité ne peut effectuer que les tâches et ne prendre que les décisions qui ne peuvent pas être réalisées et prises à l’échelon inférieur. J’ai pris connaissance pour la première fois de ce principe en lisant Small is beautiful – Une société à la mesure de l’homme, de E.F.Schumacher. ↩︎
- «Les hommes ne sauraient souhaiter rien de plus précieux pour la conservation de leur être que le fait de s’accorder tous en toutes choses, de telle sorte que les Esprits et les Corps de tous composent comme un seul Esprit et comme un seul Corps, afin que tous s’efforcent ensemble, autant qu’ils le peuvent, de conserver leur être, et recherchent ensemble l’utilité commune à tous. » Spinoza, L’Ethique (Scolie, Proposition 18, partie IV). ↩︎
- Spinoza en avait bien conscience. Il écrit dans l’Ethique : “Mais la puissance de l’homme est extrêmement limitée et infiniment surpassée par la puissance des causes extérieures. (…) Pourtant, nous supporterons d’une âme égale les évènement contraires à ce qu’exige le principe de notre utilité, si nous sommes conscients de nous êtes acquittés de notre tâche, si nous savons que notre puissance n’était pas suffisamment étendue pour nous permettre de les éviter, et si nous pensons que nous sommes une partie de cette Nature entière dont nous suivons l’ordre.» Spinoza, L’Ethique (Chapitre XXXII, partie IV). ↩︎
- Cf. Conscience cosmique, pour une écologie en première personne, Gérald Hess ↩︎
- Tranquillité d’âmes dont témoignent les membres des Alcooliques Anonymes (AA) devenus abstinents, eux dont la «Prière de la sérénité» ressemble étrangement à l’extrait de l’Ethique mentionné au renvoi n°6 :
“Mon Dieu, donnez-moi la sérénité
d’accepter les choses que je ne peux changer,
le courage de changer les choses que je peux,
et la sagesse d’en connaître la différence.“
La sérénité des AA devenus abstinents ne tient pas du miracle. L’anthropologue Gregory Bateson avait noté combien les deux premières des 12 étapes de guérison des AA, à savoir :
“- Nous avons admis que nous étions impuissants devant l’alcool – que nous avions perdu la maîtrise de notre vie.
– Nous en sommes venus à croire qu’une puissance supérieure à nous-mêmes pouvait nous rendre la raison.”
instituaient un autre rapport au monde, une complémentarité, que le monde bien-portant avait tort de négliger. Il écrit dans Vers une écologie de l’esprit, tome 1 : «De la combinaison de ces deux étapes, il résulte une idée extraordinaire et à mon sens correcte : à savoir que l’expérience de l’échec ne sert pas seulement à convaincre l’alcoolique qu’un changement est nécessaire, mais elle est elle-même la première étape de ce changement. Être vaincu par la bouteille et en être conscient constitue en ce sens une première “expérience spirituelle”. Le mythe de la maîtrise de soi du sujet est ainsi démoli par la mise en place d’un pouvoir supérieur.
En somme, je dirais que la sobriété de l’alcoolique est caractérisée par une variante tout particulièrement catastrophique du dualisme cartésien : la division entre l’Esprit et la Matière ou, en l’occurence, entre volonté consciente ou “soi” (self) et le reste de la personnalité. Le coup de génie (du fondateur des AA) Bill W. fut de démolir la structuration de ce dualisme.»
Bateson termine son étude sur l’alcoolisme par ces mots aux accents prophétiques : «Si nous continuons à opérer selon le dualisme cartésien : esprit contre matière, nous continuerons sans doute à percevoir le monde sous la forme d’autres dualismes encore : Dieu contre homme, élite contre peuple, race élue contre les autres, nation contre nation et, pour finir, homme contre environnement. Il est douteux qu’une espèce puisse survivre, qui possède à la fois une technologie avancée et cette étrange façon de concevoir le monde.» ↩︎ - Cf. Philosophie quantique – Le monde est-il extérieur?, Michel Bitbol ↩︎
- Spinoza précise ce qu’il entend par «science intuitive», qu’il prend soin de distinguer du savoir; il écrit au scolie 2 de la proposition 40 de la partie II de l’Ethique : «Trois nombres étant donnés, il s’agit d’en déterminer un quatrième qui soit au troisième comme le second au premier. (…) Soit, par exemple, les nombres 1, 2, 3 : il n’est personne qui ne voit que le quatrième nombre proportionnel est 6». Et en effet 2 est à 1 ce que 6 est à 3. On reconnaît là le principe de l’analogie qui nous incite au saut dans l’inconnu, avec tous les risques d’erreur que cela comporte, mais aussi toutes les créations que cela potentialise. ↩︎
- «L’image analogique se fonde, selon Saint Exupéry, sur sa faculté à former synthèse, à réunir les diverses parties d’un tout.» (Carnet I, 300). L’image analogique, ou poétique, fait sens bien qu’«il reste quelque chose d’inexpliqué dans cette conjugaison. Mais l’ensemble a été proposé comme logique à l’esprit, de même que deux images stéréoscopées, bien que dissemblables, ont été proposées comme représentant le même objet. L’esprit, pour rétablir cette identité crée l’espace (ou la perspective). Dans le cas de l’image poétique, pour établir, pour valider le lien logique il crée aussi un univers où ce lien est évident. Cet univers est total quoique non explicite. On ne sait même pas qu’il existe et pourtant on le subit. Ou, plus exactement, on subit une certaine attitude vis-à-vos de cet univers non formulé et qui n’existe là derrière que comme caution. On est renouvelé, on fait partie d’une certaine civilisation neuve.
La valeur de l’image poétique est celle de cet univers latent et non celle des éléments ni de leur lien.
Remarquons tout de suite que la logique n’a point de prise pour saisir et expliquer cette création. Elle ne commence précisément que là où finit la logique. Dans la mesure où la logique valide la structure prosée il n’y a point de création d’un univers. Là où la logique échoue déjà, commence la création.» (Carnet I, 309) ↩︎ - Jean-Pierre Lalloz, Qu’est-ce qu’une marque ? – PHILOSOPHIE-EN-LIGNE.COM ↩︎
- Jean-Pierre Lalloz, Notre sensibilité au vrai – PHILOSOPHIE-EN-LIGNE.COM ↩︎
- Jean-Pierre Lalloz, Qu’est-ce qu’un moment de vérité ? – PHILOSOPHIE-EN-LIGNE.COM ↩︎
- Le philosophe des sciences Michel Bitbol, pour évoquer la “participation au mouvement même du monde en gestation”, parle de morphopoièse (ou genèse poétique de la forme) : (76) Morphopoièse (ou genèse poétique de la forme) ↩︎
- «Une pensée spéculative cherchant à arraisonner l’absolu ressemble à une ombre qui s’efforcerait de saisir le corps dont elle est la projection, en courant devant lui.» Maintenant la finitude, Peut-on penser l’absolu? Michel Bitbol ↩︎
- «La signification profonde des fonctions Ψ de la mécanique quantique consiste non pas à décrire la propagation d’ondes à la «réalité» douteuse, mais à traduire formellement la relativité des phénomènes à prédire vis-à-vis de contextes expérimentaux parfois incompatibles.» Michel Bitbol, J.L. Destouches: Théories de la prévision et individualité. ↩︎
- A ceci près qu’il ne s’agit pas de contextes expérimentaux comme en physique mais de contextes cognitifs. ↩︎
- Hologramme — Wikipédia ↩︎
- Cette idée de personnages dévalant et colonisant le paysage symbolique à la façon de l’eau colonisant un delta pour y chercher le repos, ou de l’arbre colonisant le ciel pour y chercher la lumière, je la dois à Saint Exupéry et à son concept de “pesée” : « [L’eau] s’appuie contre les parois et attend les occasions. Car vient le jour où les occasions se montrent. Et l’eau nuit et jour inlassablement pèse. Elle est en sommeil en apparence et cependant vivante. Car à la moindre craquelure la voilà qui se met en marche, s’insinue, rencontre l’obstacle, tourne l’obstacle si c’est possible, et rentre en apparence dans son sommeil, si le chemin n’aboutit pas, jusqu’à la nouvelle craquelure qui ouvrira une autre route. Elle ne manque point l’occasion nouvelle. Et, par des voies indéchiffrables, que nul calculateur n’eût calculées, une simple pesée aura vidé le réservoir de vos provisions d’eau. » De cette pesée, il en tire une morale, «la morale de la pente» qui consiste à faire peser les hommes pour que, pareils à l’eau ou pareils aux feuilles de l’arbre, ils façonnent le chemin, le tronc commun qui les fera tous s’élever.
Qui connaît un peu l’informatique quantique, et la logique qui lui est associée, fera le rapprochement entre la “pesée” et le parallélisme massif de l’ordinateur quantique. ↩︎ - Si les personnages partagent cette conviction, c’est parce qu’ils ont médité les paroles, parfois cryptiques, de personnages rencontrés durant le jeu, comme par exemple la physicienne Mioara Mugur-Schächter :
« Ceux qui se sont attelés à la tâche de représenter les microsystèmes et leurs états d’une façon qui puisse être tolérée à la fois par l’essence de la mécanique newtonienne et par la théorie macroscopique des champs électromagnétiques, se sont trouvés confrontés à une situation cognitive qui, à l’époque, était sans doute inusuelle à un point tel que l’effort nécessaire d’innovation dépassait de loin les facultés d’une seule intelligence. Et même les capacités d’un seul génie. Mais d’autre part cette situation cognitive singulière imposait plus ou moins implicitement des restrictions tellement contraignantes que celles-ci ont agi comme un moule commun qui a assuré un grand degré d’unité entre les résultats des différentes approches. C’est la situation cognitive qui a orchestré la construction de la mécanique quantique. Placée sur un niveau supra individuel, intersubjectif, elle a remplacé d’une manière implicite le contrôle unificateur conceptuel-logique qui d’habitude fonctionne explicitement à l’intérieur d’un seul esprit novateur. Omniprésente d’une manière extérieure et neutre, elle a agi comme un organisateur et un co-ordinateur. (…) C’est la raison pour laquelle, jusqu’à ce jour, le formalisme quantique est ressenti comme si peu compréhensible, même par les physiciens et théoriciens qui l’ont longuement pratiqué et y ont réfléchi à fond. Parmi les fondateurs eux-mêmes, il serait difficile d’en trouver deux qui aient été entièrement d’accord sur les ‘significations’ incorporées dans le formalisme qu’ils ont contribué à créer. » Mioara Mugur-Schächter, L’Infra-mécanique quantique et examen critique du théorème de non localité de Bell – Principes d’une révolution de l’épistémologie révélés dans les descriptions de microétats. ↩︎ - «L’idée centrale est ici que les deux entités de la relation [en l’espèce ici, le joueur et le monde], situées dans un médium capable de vibration (un espace de résonance)[espace ici constitué des joueurs et du MJ], se touchent mutuellement de telle sorte qu’elles apparaissent comme deux entités qui se répondent l’une à l’autre tout en parlant de leur propre voix, autrement dit qui “retentissent en retour”. De ce fait, je l’ai dit, la résonance ne saurait se confondre avec les formes d’interaction (« linéaire ») causale ou instrumentale (entendue comme un couplage mécanique), dans lesquelles le contact, en tant qu’il est une influence imposée, produit un effet figé et prédictible. Pareil effet s’observe par exemple quand on fixe deux roues sur un même axe : la mise en mouvement de l’une entraînera automatiquement la mise en mouvement de l’autre. Il n’y a là aucun phénomène de résonance, puisqu’aucune vibration propre n’est alors suscitée. Telle est la raison pour laquelle la résonance doit être distinguée de l’écho, au sens propre comme au sens figuré : l’écho ne possède pas de voix propre, il survient pour ainsi dire mécaniquement et sans variation ; dans l’écho ne retentit que ce qui nous est propre, et non ce qui répond.» Hartmut Rosa, Résonance. ↩︎
- Michel Bitbol, Postface du livre de Gérald Hess, Conscience cosmique (pour une écologie en première personne). ↩︎